CLAEYSSENS

Faisons connaissance avec les distilleries les plus réputées,
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Où ?

Dans la ville de Wambrechies, à une dizaine de kilomètres au nord de Lille (Nord). Sa proximité de l’écluse de la Deûle lui a permis d’assurer de tous temps ses approvisionnements par voie fluviale. Dans ce lieu chargé d’histoires, des visites guidées sont organisées, le site dispose de trois salles pour recevoir des réceptions privées ou professionnelles ainsi qu’une boutique de vente.

Quand ?

Le Belge Guillaume Claeyssens achète en 1789 le moulin de l’écluse, il a fui sa ville de Menin (qui se trouve à moins d’une vingtaine de kilomètres de là !) en raison de la Révolution brabançonne. Il installe d’abord une filature de lin, puis un moulin à huile de lin (utilisée pour l’éclairage public), en édifiant de nouveaux bâtiments. En 1817, son fils Guillaume les transforme en une distillerie de genièvre, beaucoup plus rentable car, avec l’industrialisation de la région (mines, textile), cette eau-de-vie de céréales est très demandée. Dans les années 1850, l’arrivée d’une machine à vapeur, qui remplace le moulin pour fournir l’énergie nécessaire à la production, entraîne d’importants travaux d’agrandissement. A noter que la maison du concierge, qui existait déjà au XVIIIe siècle, est toujours occupée par le concierge actuel ! Les parties principales de la distillerie ont été classées aux Monuments Historiques en 1999.

Qui ?

Avec un pic d’activité dans l’entre deux guerres, l’entreprise reste familiale jusqu’en 1998, date à laquelle elle est rachetée par Les Grandes Distilleries de Charleroi (appartenant à la famille Depasse,) qui en diversifient les gammes, rachètent la distillerie de Loos (qui, avec Houlle, était l’une des trois à produire encore du genièvre dans la région) et se lancent dans la production de whisky.

Comment ?

Dès sa création en 1817, la distillerie est équipée d’un système mis au point par Henri Lenssen, ingénieur originaire de Düren en Rhénanie, ami de la famille Claeyssens au point d’avoir été inhumé au cimetière de Wambrechies, à côté de Guillaume Claeyssens. En grande partie automatisé (ce qui était vraiment très moderne à l’époque), il n’a pas changé depuis, sauf pour l’approvisionnement en grains et le traitement de l’eau. Le genièvre est élaboré à partir de céréales (orge, seigle, blé, avoine) selon une recette et des proportions qui sont spécifiques à chaque distillerie : chez Claeyssens, il s’agit de seigle (8O %) et d’orge maltée (20 %). Classiquement, les grains sont triés, ventilés et moulus par deux équipements différents, deux moulins datant de 1850 et 1880. Les deux farines sont ensuite acheminées dans deux cuves horizontales (différentes donc des cuves utilisées en Ecosse) pour subir, après ajout d’eau et de vapeur, une cuisson, d’abord à 56 ° C pendant 7 mn et demie, puis à 70 ° C pendant 1 mn et demie, tout en connaissant un brassage en continu. Le moût obtenu est versé dans huit cuves en contrebas, où il va se saccharifier pendant 90 mn. Sorti des cuves à 60 °, il est refroidi à 35 ° C dans un échangeur à plaques. Après adjonction d’eau, il atteint 28 ° et reçoit alors la levure, et prend la direction de dix cuves de fermentation.

Deux jours après, en ressort un moût alcoolisé, appelé bière, qui titre 4 % d’alc. Elle est alors distillée en continu dans un alambic à plateaux de trois colonnes d’où sort une première eau-de-vie titrant 35 ° d’alc. Après deux jours de repos, elle passe dans un alambic de cuivre où elle est distillée en présence de baies de genévrier, donnant au final une eau-de-vie titrant 49 ° dans sa version classique. Il existe aussi chez Claeyssens un genièvre élaboré uniquement avec du malt d’orge. Il peut connaître un vieillissement de plusieurs mois, voire plus, mais sans contact avec le bois.

Pour le whisky, le processus est similaire, en utilisant uniquement du malt d’orge, mais sans aromatisation au genièvre. Il est ensuite vieilli en fûts ayant contenu du bourbon.

Quoi ?

Dans ma famille du Nord de la France, le Wambrechies (on n’y utilisait guère le mot genièvre) était le digestif incontournable des fins de repas de fête (Noël, Nouvel An, Pâques, etc…), tandis que les femmes prenaient plutôt un petit verre de liqueur d’angélique. Mais, déjà dans mon enfance, sa consommation populaire était en régression, même si on pouvait encore voir le matin dans les bistrots des habitués prendre leur café avec un petit verre de genièvre (la « bistoule »). En Belgique et aux Pays-Bas, la demande pour le « jenever » ou le « peket » est restée plus constante, et on y trouve toujours de superbes genièvres.

À part quelques tentatives de diversification dans des cocktails prêts à l’emploi (le  Chuchemourette), guère concluantes, on comprend pourquoi les repreneurs de Claeyssens ont cherché à profiter du boom du whisky, même élaboré en France, pour en produire à leur tour, d’autant que la distillerie de Wambrechies élaborait déjà un genièvre pure malt. Le système utilisé pour le genièvre est également approprié pour distiller du whisky… sans y ajouter les baies de genièvre bien évidemment. Seule nouvelle étape, le vieillissement en fût de chêne. Chez Claeyssens, ce sont des fûts de bourbon qui ont été choisis.

Claeyssens commercialise actuellement deux whiskies single malt :

– le 5 ans, réduit à 40 °, léger et assez basique, au profil très courant.
– le 8 ans, réduit à 40 °. De couleur dorée, il présente dès le nez un caractère assez boisé sans être franchement tannique, avec des notes de vanille et de miel. On retrouve ces dominantes aromatiques en bouche, avec une certaine puissance, donnant une finale plutôt persistante.

Pour son bicentenaire, Claeyssens a sorti une cuvée spécifique, assemblage de plusieurs whiskies de huit ans d’âge, avec vieillissement en fût de xérès. Mais elle n’était pas encore disponible à la vente lors de la rédaction de cet article. ■

Gilber DELOS

Les distilleries de A à Z