Talisker

Où ?

Sur Skye, une grande île située à l’ouest de l’Ecosse. Son relief tourmenté et d’une incroyable beauté culmine à environ mille mètres aux Cuillins, souvent couverts de neige. Leur ascension est si difficile qu’ils servent d’entraînement pour les montagnards britanniques se préparant à affronter l’Himalaya. La distillerie est installée au fond du Loch Harport qui communique avec la mer. Ici, on parle couramment le gaélique, et les ouvriers de Talisker sont également marins ou cultivateurs.

Quand ?

La distillerie remonte au moins à 1831. L’île de Skye a compté jusqu’à sept distilleries au dix-neuvième siècle, mais Talisker est la seule à avoir survécu jusqu’à nos jours. Selon certaines chroniques, elle aurait connu plusieurs emplacements avant de s’installer définitivement à Carbost. En 1960, un violent incendie s’est déclaré dans la salle des alambics, suite à la mauvaise fermeture d’une vanne d’eau-de-vie. La distillerie a été largement reconstruite, mais sur les plans d’origine.

Qui ?

Ses fondateurs, Hugh et Kenneth Mac Askill, étaient des gentlemen-farmers qui ont pris le premier bail auprès de Mac Leod, le seigneur de l’île. Mais la distillerie va changer régulièrement de mains tout au long du 19ème siècle, connaissant plusieurs périodes de fermeture, malgré la réputation grandissante du malt : le romancier Robert Louis Stevenson le plaçait au même rang que le Glenlivet. Des coûts de fonctionnement élevés l’expliquent, mais aussi les relations souvent ombrageuses avec les Mac Leod. Ainsi, pendant des décennies, ils ont interdit que soit construit un quai de déchargement pour la distillerie, obligeant les ouvriers à transborder les fûts dans de plus petits bateaux, dans des conditions souvent périlleuses. Mais, de nos jours, le quai est inutilisé, car Skye est reliée à l’Ecosse par un pont, au péage d’ailleurs fort onéreux.

En 1925, Talisker est devenue propriété de la DCL, aujourd’hui United Distillers – Diageo.

Comment ?

Talisker a pratiqué la triple distillation jusqu’en 1928, et son propre maltage jusqu’en 1972. Aujourd’hui, elle possède cinq alambics qui sont équipés de serpentins à l’ancienne, et non de condenseurs modernes. Ils sont en outre situés à l’extérieur du bâtiment des alambics, plongés dans de grandes cuves d’eau froide. Ce système particulier, devenu très rare en Ecosse, explique certainement l’incroyable puissance des malts de Talisker, ainsi que l’utilisation d’une eau très tourbée. Pourtant, le niveau de tourbe (25 ppm) est inférieur à ceux des malts d’Islay les plus tourbés.

Ce n’est en tout cas pas le vieillissement qui explique le style unique, puisque l’essentiel des fûts est acheminé dans les Lowlands, une fois le remplissage effectué. Il n’existe en effet qu’un seul petit chai.

Quoi ?

Longtemps, il n’a existé pratiquement que deux versions de Talisker, le 10 ans d’âge à 45,8 % d’alc. et, plus rare, le Double Matured, qui a été affiné en fûts de xérès. Ils appartiennent à la collection des Classic Malts d’United Distillers.

Avec les années 2000, la gamme officielle s’est toutefois plus développée, avec un 18 ans et 25 ans, puis un 30 ans, et même un single cask de 1994. Ces éditions, assez réduites en quantité, sont régulièrement renouvelées.

S’il existe un malt que l’on peut qualifier d’explosif, c’est bien Talisker. Dès le nez, de puissants arômes fumés se dégagent, avec même une certaine âcreté. En bouche, il est très rond, même un peu huileux, mais développe ensuite un étonnant caractère poivré, avec des notes de fumé et de tourbe et un peu d’amertume. La finale est incroyablement longue et lourde, avec toujours ce poivre qui signe indubitablement Talisker.

Dans une description restée fameuse, le dégustateur Derek Cooper appela le malt : “la lave des Cuillins”, du nom des monts volcaniques de Skye. On ne saurait être plus justement au coeur de la sensation. Comme l’a écrit Jim Murray, “Talisker n’est pas tant une boisson qu’une expérience”.

Les distilleries de A à Z