LEVONS LES VOILES !

Le printemps célèbre le renouveau. Un thème largement traité que ce soit en musique ou en peinture. Et si nous envisagions la distillation comme un art ? L’art de créer un univers et surtout de vous y emmener le temps d’un verre. Fort heureusement ce savoir-faire ne s’exprime pas uniquement à la sortie de l’alambic, il se poursuit dans les chais où le choix des fûts joue un rôle majeur.

Si vous me le permettez, laissez-moi vous conter une petite histoire de fût. Son aventure commence dès la terre. Il n’est alors qu’un petit gland tombé au pied d’un chêne. Cinquante ans plus tard, une opportunité s’offre à lui : accueillir en son sein un superbe vin d’Andalousie : le Xérès, qu’il soit fino ou manzanilla, manzanilla pasada, ou amontillado. Il est important de noter qu’à l’enfutage, ces vins mutés n’excéderont pas 15,5°. Alors, pour le chêne devenu désormais un fût, une réminiscence de sa forêt natale s’opère : un voile vient se former. Un peu à la manière de l’humus qui protège les bulbes endormis du gel, la Flor protège le vin de l’oxydation. Ce voile de protection s’accompagne de quelques marqueurs organoleptiques comme la noix fraîche. Au-delà la Flor disparait et l’on abordera le domaine des oloroso et xérès doux, mais ceci est une autre histoire !

Une fois cette première mission achevée, le fût, vidé de son Xérès, reçoit un nouveau défi à relever : faire d’un whisky une Sherry Bomb !

Alors, après avoir bravé la houle et le tumulte des océans, c’est chargé d’embruns qu’il rejoint son nouveau chai (lui). Le maître des lieux prend connaissance de ses états de service (nombre de remplissage) afin de sélectionner LE futur whisky qu’il sera en charge de sublimer. Sous le nez et le palais attentif du maître de chais, le fût et le whisky vivront à l’unisson pour atteindre l’équilibre parfait. Elisabeth 1re et Philippe II seraient cordiale. Car ce n’est pas un tour de force qui se joue dans cette maturation, mais plutôt une alliance subtile entre l’Ecosse et l’Espagne. A l’issue une nouvelle cuvée est née et n’attend plus que d’être dégustée.

Je vous propose maintenant de lever l’ancre et de hisser la grand’ voile car la lettre n°128 regorge de nouveaux horizons organoleptiques.
Marie-Sophie Girodet Bourhis
Rédactrice

La sélection du Clan

Chaque mois, rien que pour le Clan, de nouveaux whiskies sont sélectionnés et vous sont proposés.

 

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Whisky / Distillerie Origine Âge Type Degré
NOTRE COUP DE COEUR – TEELING – Sommelier – 46° – IR2249CGM Irlande single malt 46% Vol
Les incontournables.. SINGLE ISLAY – 8 ans – 43 % – CGM2 PER102 – non filtré – Sélection exclusive Islay 8 ans non filtré 43% Vol
Les incontournables .. SINGLE SPEYSIDE -8 ans – 43 % – CGM5 PER105 – non filtré – Sélection exclusive Non filtré – Sélection exclusive Speyside 8 ans non filtré 43% Vol
Les incontournables … AS WE GET IT – 61°2 – WH2462 CGM Islay NAS ans brut de fût 61% Vol
Les incontournables – PICTI COAST – 46 ° – Fûts de bourbon – WH8012 Islands single malt 46% Vol
Les incontournables – SINGLE HIGHLAND – 8 ans – 43 % – CGM1 PER100 – non filtré – Sélection exclusive Highlands 8 ans non filtré 43% Vol
NOUVEAUTES – FILEY BAY – 46° – Fût de moscatel (vin blanc doux espagnol) – WHFB005CGM Angleterre single malt 46% Vol
NOUVEAUTES – KILKERRAN – 8 ans – 57,5° – Brut de fût de xérès – WHS186CGM Campbeltown 8 ans brut de fût 57.5% Vol
NOUVEAUTES – KILKERRAN – 8 ans – 55,8° – Brut de fût de bourbon – WHS185CGM Campbeltown brut de fût 53.8% Vol
NOUVEAUTES – ROZELIEURES – Exception – 53,8 ° – Brut de fût de bourbon – WHL036CGM France brut de fût 53.8% Vol
NOUVEAUTES – HAZELBURN – 12 ans – 49,9° – Fût de xérès – WHS265CGM Campbeltown 12 ans brut de fût 49.9% Vol
NOUVEAUTES – SPRINGBANK – Local Barley – 11ans – 55,1° – WHS270CGM Campbeltown 11 ans brut de fût 55.1% Vol
NOUVEAUTES – LOCHLEA – Ploughing Edition 1 – 46° – WHLO006CGM Lowlands single malt 46% Vol
La Sélection du Clan : IRISHMAN – FOUNDER RESERVE – 46° – IR5007CGM Irlande brut de fût 46% Vol
La sélection du Clan – FUJI – Single Blended – 43° – Assemblage de single malts et de single grains – WHKI10CGM J, Japon single blended 43% Vol
La sélection du Clan : BUNNAHABHAIN – 46° – WHC1080CGM Islay 7 ans single malt 46% Vol
La sélection du Clan : KILKERRAN Heavily peated Batch 7 – 59.1° – WHS266CGM Campbeltown brut de fût 59.1% Vol
La sélection du Clan : ARDMORE 11 ans – 46° – WHC1079CGM Speyside 11 ans single malt 46% Vol
Les sélections du Clan : EDDU – BROCÉLIANDE – 43° – WHC005CGM France 43% Vol
La sélection du Clan – FILEY BAY – 46° – Peat Finish – WHFB002CGM Angleterre single malt 46% Vol
La sélection du Clan – WATERFORD ARCADIAN SERIE ORGANIC GAIA – WHCI002CGM Irlande single malt 50% Vol
La Sélection du Clan … KAVALAN – Classic– 40° – Assemblage de plusieurs types de fûts (bourbon, xérès, vin) – WHCI003CGM Taîwan single malt 40% Vol
La Sélection du Clan … CADENHEAD LOCH LOHMOND 2005 17 ANS HIGHLANDS – 46° – WHC1076CGM Highlands 17 ans single malt 46% Vol
La sélection du Clan … PORT CHARLOTTE ISLAY BARLEY 2013 Islay 8 ans brut de fût 50% Vol


LES NEWS ET LES POTINS ….

KILCHOMAN
n’existerait pas sans la tuile …

Les hordes d’amateurs qui s’apprêtent à déferler sur Islay pour le Fèis Ile savent-elles seulement que sur cette île reine l’orge ne pousse que grâce à un ingénieux système enfoui sous terre depuis plus d’un siècle ? Système dans lequel une simple tuile joue un rôle clé.

« Drainer, c’est la première chose à faire avant de mettre un champ en culture », explique le directeur de Kilchoman – oh, et oui, Islay est son vrai prénom. La petite ferme-distillerie des Hébrides a rassemblé quelque 2.000 acres de terre et cultive une partie de ses besoins en orge, 150 t qu’elle malte elle-même, sur une aire à l’ancienne, et qu’elle réserve à son édition millésimée annuelle 100% Islay.

D’autres petits producteurs s’acharnent à planter cette céréale sur l’île – Bruichladdich par exemple s’est associée avec certains –, et tous vous diront la même chose : faire pousser l’orge sur une terre offerte aux vents et aux pluies qui couchent les épis, sans mentionner les vols d’oies qui vous ravagent un champ en quelques heures, c’est une chierie. Mais le principal obstacle, ce sont les sols lourds qui retiennent l’eau en surface en noyant les cultures. Alors, pour disputer ces parcelles aux éléments, depuis des siècles on draine les champs.

Le drainage agricole se pratique depuis l’Antiquité : les Romains assainissaient les terres en creusant des rigoles ou des fossés qu’ils remplissaient de pierres, de branchages et de paille pour favoriser l’écoulement des eaux. Mais les Britanniques, à partir du XVIIe siècle, vont en peaufiner les techniques, nécessité faisant loi : les preuves scientifiques ont beau manquer, c’est sans doute au Royaume uni que fut inventée la pluie. Ne dit-on pas à Douvres que si l’on ne voit pas Calais c’est qu’il pleut, et si on la voit c’est qu’il va pleuvoir ?

Dès le milieu du XIXe, une méthode s’installe durablement en Ecosse et en Angleterre : dans des
tranchées creusées à environ 70 cm de profondeur, on enterre des conduites formées  l’alignements de deux tuiles façonnées à la main, l’une plate et l’autre creuse, superposées. Le grès, poreux, laisse passer le trop-plein des pluies ou des eaux de sources souterraines, avant de les dériver jusqu’à des fossés en contrebas de champs.

Dans les années 1840, la Royal Agricultural Society of England organise des concours pour développer des techniques peu encombrantes de fabrication des tuiles, susceptibles d’assainir les terres dans les endroits les plus reculés. Et en 1852, bingo, un dénommé Irving met au point une machine qui moule les tuiles, une plate et une creuse pour former des drains en U, ou deux creuses pour les conduits ronds.

Le champ semble avoir été ravagé par une taupe géante devenue folle en cherchant la sortie, la terre éventrée entre les monticules d’argile, les nappes d’eau noyant ici et là les pousses d’orge semées au début du mois. « On repère les flaques en surface : c’est le signe qu’un drain est cassé. Reste plus qu’à creuser pour le remplacer. Les conduites courent sur toute la longueur des parcelles, parfois sur des centaines de mètres, avec des écarts de 5 m entre chaque. Tiens, regarde. » Les brisures de « tile » (tuile, en anglais, mais le mot désigne également ces drains en terre cuite circulaires) jonchent le fond de la fosse, où l’eau glougloute sournoisement. Ces tiles enfouies sous terre à la main, et qui résistent en toute discrétion depuis plus d’une centaine d’année dans les entrailles de l’île.

Au XIXe, en Angleterre et en Ecosse, la plupart des paroisses possédaient une fabrique de briques et de tuiles. Sur Islay, près de Kilchoman justement, on peut observer les restes de la Foreland Brick and Tile Works. Cet artisanat se transforme en puissante industrie en accompagnant le développement du chemin de fer (ponts et tunnels sont érigés en brique), de la construction et de l’agriculture. La qualité des argiles réfractaires écossaises, notamment, est mondialement reconnue à cette époque.

Ces terres cuites rouges s’exportent au-delà des océans. J’ai récemment photographié à la Barbade, dans le domaine de St Nicholas Abbey, une allée de briques dont certaines frappées du sceau de Bonnybridge Brand, une briqueterie du centre de l’Ecosse – un merveilleux site, Scottish Brick History, les recense toutes (chacun ses geekeries !). Par la suite, les petites fabriques disparaitront à mesure que ce réseau ferré qu’elles ont aidé à construire acheminera les matériaux des grosses usines implantées dans les Lowlands.

Mais leur empreinte subsiste toujours 3 pieds sous terre, dissimulée il y a plus d’un siècle par les mains anonymes de paysans qui arrachèrent à la pluie les terres à offrir au whisky. Les hordes d’amateurs enthousiastes qui s’apprêtent à déferler sur Islay pour le Fèis Ile le savent-elles seulement ?

Par Christine Lambert