Glenrothes

Faisons connaissance avec les distilleries les plus réputées,
Suivons le Stills Tour  par Gilbert Delos

Où ?
Rothes (qui se prononce « rosis », et la distillerie « glenrosis »), est une petite ville de 1 500 habitants de la région du Speyside, entre Elgin et Craigellachie, non loin de la rivière Spey. La commune comporte trois autres distilleries en activité : Speyburne, Glen Grant et Glen Spey, ainsi que Caperdonich, fermée depuis 2002 par Pernod Ricard. Le site possède un centre de visite, dédié au blend Cutty Sark, qui utilise beaucoup les malts de Glenrothes.

Quand ?
La distillerie a été créée en 1878 par un groupe d’investisseurs, à une époque où le scotch whisky connaissait une grande expansion, notamment dans le Speyside. Mais les premières décennies n’ont pas été très tranquilles pour Glenrothes, avec un gros incendie en 1897, puis une explosion en 1903 dans la salle des alambics, et un autre incendie en 1922, qui a ravagé le chai principal, entraina la perte de 900 000 litres de whisky. La suite fut heureusement plus calme, avec une expansion importante de la capacité dans la deuxième moitié du XXe siècle : six alambics en 1963, huit en 1980, dix en 1989, une croissance correspondant à la progression des ventes de Cutty Sark, son principal débouché.

Qui ?
Les fondateurs étaient James Stuart, propriétaire un temps de Macallan (mais il a dû quitter assez vite l’entreprise en raison de difficultés financières), le banquier John Cruickshank, ainsi que William Grant et Robert Dick, tous deux appartenant à la Caledonian Bank. Ce William Grant, qui a donné son nom à la société possédant Glenrothes, n’a rien à voir avec le fondateur de Glenfiddich, créée quelques années plus tard.
En 1887, William Grant & Co fusionne avec Islay Distillery Co qui possède notamment Bunnahabhain, formant une société baptisée Highland Distillers. Un bon siècle plus tard, en 1999, cette société est achetée (pour 600 millions de livres tout de même) par la réunion de deux acteurs majeurs de l’industrie du whisky : Edrington Group, propriété du fonds de charité Robertson Trust, et William Grant & Sons (Glenfiddich), réunissant ainsi dans une même société des distilleries prestigieuses comme Macallan et Highland Park, mais aussi les blends The Famous Grouse et Cutty Sark. En 2010, de façon très inhabituelle, la marque Glenrothes est achetée par Berry Brothers & Rudd, négociant londonien en vins et spiritueux. En fait, il s’agit d’un échange entre Glenrothes, désormais commercialisé par Berry Bros, et Cutty Sark, que le négociant distribuait depuis 1923. Mais, devenu très important en volume, ce blend ne correspondait plus au style plus traditionnel du négociant londonien. Toutefois, Edrington est toujours le propriétaire en titre de Glenrothes. Qu’une marque de single malt ne soit pas commercialisée par son propriétaire est exceptionnel en Ecosse.

Comment ?
L’équipement et le processus de production à Glenrothes est très classiquement typique du Speyside, mais sa taille est toutefois parmi les plus grandes de la région voire d’Ecosse, avec une cuve de brassage de plus de cinq tonnes de capacité, 20 fermenteurs (dont 12 en pin d’Oregon et 8 en inox) et cinq paires d’alambics. De quoi pouvoir distiller jusqu’à 5,6 millions de litres d’alcool pur par an. Il est vrai que la distillerie, depuis 2012, fonctionne 7 jours sur 7, avec 50 brassins par semaine. Et les visiteurs de la salle d’alambics la compare à une cathédrale… ni plus, ni moins !

Quoi ?
Deux singularités caractérisent les malts Glenrothes. Il y a bien sûr leur commercialisation par Berry Bros, mais surtout, ils ne sont pas répartis selon leur âge (10, 12, 15 ou 20 ans par exemple) comme tous les autres, mais par leur millésime, appelé Vintage par Glenrothes, et tous conditionnés dans une bouteille originale, en forme de gourde, à peu près unique dans le monde des single malts. Mais il existe également la gamme des Reserves, au nombre de 12. Ce sont des assemblages qui se caractérisent par le type de fût utilisés (xérès, bourbon, robur, du nom latin du chêne européen), le caractère tourbé, mais surtout par une appellation spécifique, comme Elders (les Anciens), Minister (le prêtre), Manse (le presbytère), John Ramsay (le maître de chai de Glenrothes pendans plus de vingt ans), etc… Il y a enfin les Special Releases, des Vintages commercialisés en single cask. Le nombre de références est donc très important, avec près d’une trentaine de malts sur le site de vente en ligne de la distillerie, mais les quantités sont parfois limitées. Avec un brin de perversité, le site donne également une longue liste des références… qui ne sont plus commercialisées ! Certains spécialistes du scotch – dont les redoutables Malt Maniacs – se sont posé des questions sur la gamme de Vintages, estimant que les quantités proposées étaient trop importantes pour ne provenir que d’un même fût. Et surtout, ils ont découvert qu’il pouvait s’écouler de nombreux mois, voire près d’un an, entre le choix d’un millésime et sa mise en bouteille effective. Que devenait alors le malt pendant cette période ? Le contenu des fûts n’était-il pas réuni (vatted en anglais) dans un foudre ou une citerne capable de tous les accueillir, perdant alors leurs spécificités ? La réponse des responsables de Glenrothes a été claire. Effectivement, le choix de millésimer une année n’est pas systématique, et fait l’objet d’un consensus à établir entre les responsables de la distillerie et ceux de Berry Bros. Et pendant la période entre la décision de millésimer, « The Approved year » et la mise en bouteille proprement dite, le malt séjourne dans un fût neutre, qui n’apporte aucune nouvelle note aromatique. Et de toute façon, cette période est en moyenne de six mois, et ne peut pas atteindre un an. Pour le Clan, j’ai dégusté une bonne douzaine de Glenrothes, mais, à deux exceptions près (millé- simes 1996 et 2000) il s’agissait de malts ayant un âge donné, et provenant d’embouteillages indé- pendants. Ils témoignaient d’ailleurs d’une grande diversité aromatique, en fonction principalement des fûts dans lesquels ils avaient vieillis ou reçus une finition complémentaire.

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