VENT D’EST, VENT D’OUEST…

Dans le roman de Pearl Buck c’était l’affrontement de l’ancien monde et du nouveau, de la tradition et de la modernité. Il y a un peu plus d’un quart de siècle, évoquer un ‘’cask strength’’, était comme parler mandarin à un native des iles Féroé. Seul un petit nombre d’initiés découvrait ces puissants breuvages que proposait, par exemple, la Scotch Malt Whisky Society à ses membres. Les Single Malts eux-mêmes restaient confidentiels et le Blend était la norme.

Dans les années 1980 l’offre commençait à s’enrichir, mais pour l’amateur la quête du Graal était laborieuse. L’internet en était à ses balbutiements, quelques années plus tard le WEB et les moteurs de recherche permettaient tout juste de partager quelques savoirs, à condition de ne pas oublier la majuscule, le point et la virgule ! En quelques années l’univers du whisky, sous nos yeux, s’est affranchi de ses frontières traditionnelles. La demande et les goûts ont évolué. Nous étions, le Clan des Grands Malts, parmi les pionniers qui diffusèrent, auprès de ses membres, des vieux millésimes, des collectors, des malts rares, des distilleries méconnues. Le savoir et l’info s’échangent maintenant n’importe où et n’importe quand, par les réseaux dits sociaux et le dernier caviste possède un site attractif ! La modernité s’est traduite également par la diffusion des singles malts, puis des degrés naturels, par l’originalité des finitions, par l’imagination des Masters Distillers, l’émergence de nouveaux pays producteurs et la demande de nouveaux consommateurs.

En quelques années, le Japon est passé du statut de whisky exotique, élaborant essentiellement pour son marché intérieur, à celui d’un pays producteur pour lequel  l’engouement ne cesse de se développer, l’Inde nous fait découvrir  des produits respectables, autrefois confinés au Bourbon et au Tennessee whiskey, l’amateur peut à présent entrainer ses papilles avec des Rye whiskeys provenant de petites distilleries américaines. En France, Bretagne, Corse, Bourgogne, Champagne, partout des passionnés nous font partager leur poésie du goût. Rares sont les régions ou les pays qui n’élaborent pas leur propre whisky, parfois avec plus ou moins de bonheur.

De nos jours l’offre semble illimitée, accessible, documentée, au travers des nouveaux médias, des achats par internet, ce qui était réservé à quelques officines s’étale souvent sur les rayons des supermarchés. Parallèlement la demande ne cesse de croître et ce sont les ‘’nouveaux marchés’’ qui modifient le paysage. Dans ces régions du globe, une nouvelle classe de consommateurs apprécie les produits d’exception et ce que ces symboles représentent comme signe de reconnaissance. Peu importe le prix quand il faut paraître, mais nul doute qu’il y ait parmi eux des amateurs comme il en fut et qu’il en est sur le vieux continent. Nos voisins et amis écossais sont à la fois acteurs et témoins de cette évolution. Les prix évoluent de façon irrémédiable, les beaux fûts, les vieux millésimes, deviennent difficilement accessibles, souvent retenus pour des jours encore meilleurs, n’oublions pas ‘’time is money’’ !! Pour autant les clubs d’aficionados n’ont jamais été aussi présents, apportant par leur expertise et leur curiosité, un peu plus d’humanité dans ce monde de ‘’bruts’’.

Slainte

Gérard TRENTESAUX