LA COULEUR DU TEMPS

Il y a quelques années, Georges Brassens évoquait dans son poème ‘’Saturne’’, le temps qui nous file entre les doigts, et puis ce sursaut qu’est l’été de la Saint Martin. Ce moment magique de l’Automne, quelques jours, une semaine au plus, ‘’l’été indien’’ de nos cousins d’Amérique, quand la végétation renouvelle sa palette de couleur dans un chatoiement éphémère. Pour la décrire, nous échappons volontiers aux couleurs fondamentales, bien limitées pour dépeindre l’infinie variété des nuances végétales.

Chaque description laisse un bonne part à l’improvisation, sans qu’une parfaite objectivité soit nécessaire pour traduire nos impressions, et laisse le langage s’inspirer de multiples comparaisons.

Lors d’une dégustation, prenons le temps et regardons au travers de notre verre dont la qualité et la transparence sont essentiels pour apprécier de subtiles gammes de couleur.

Richesse de couleur, la teinte de notre whisky peut aller du plus pâle au foncé le plus profond. En fin de distillation, lors de la mise en fût, le whisky est incolore et transparent. Son séjour plus ou moins prolongé en tonneau, la variété de celui-ci, le vin ou l’eau de vie qu’il aura auparavant hébergé, va lui donner une coloration unique dans toute une variété de nuances. Or pâle, reflets verts, jaune pâle, soutenu ou ambré, parfois aux reflets orangés, jaune doré, paille, cuivré, ambré plus ou moins profond jusqu’à l’acajou, rougeâtre ou couleur de mélasse, les mots ne manquent pas pour décrire toutes les variations que notre futur breuvage va acquérir au cours de sa maturation, et qu’il conservera après sa mise en bouteille, jusqu’à sa destination finale : notre verre !

Le chêne Américain ayant contenu du Bourbon, quel que soit le temps, marquera tout au plus le whisky d’une teinte dorée plus ou moins soutenue, plus ou moins discrète, le Bourbon ayant auparavant acquis sa couleur ambrée au contact des sucs caramélisés des barrels. Un fût de Xeres Oloroso s’il est de premier remplissage, donnera rapidement une belle robe couleur d’ambre ou de mélasse. La coloration au contact d’un fino ou d’une Manzanilla, restera discrète et pâle, bien éloignée d’un profond Pedro Ximenes. Un beau ‘’château’’ ou un Porto, marqueront le whisky d’une nuance rosée caractéristique. Quand avec l’or soutenu du Sauternes, c’est un joli mariage. Mais un fût, après plusieurs remplissages, n’aura plus de message à transmettre… et pour uniformiser certaines gammes, l’essence de caramel n’est pas toujours absente !

Le développement sans limite des finitions, fûts de vin Blanc, allant du Chenin au Sauternes, fûts de vins rouge, du Bordelais au Côtes du Rhône, en passant par de grands crus Italiens, les classiques que sont les vins mutés de Porto ou de Madère, les rhums incontournables, de mélasse ou agricoles, ajoutent encore à la diversité des couleurs de nos whiskies.

La couleur de votre whisky dans son aspect final, n’est donc ni un critère de qualité, ni un critère d’âge mais plutôt le reflet de l’alchimie qui s’est opérée entre le contenant et son contenu, entre le bois et l’eau de vie, entre sa vie antérieure et le ‘’new spirit’’.

Slainte

Gérard TRENTESAUX