LE MONDE BOUGE ET LES TEMPS CHANGENT…LES GENS AUSSI

L’autre soir, avec un ami, je dégustais de la main droite un dram d’un vénérable et regretté Brora embouteillé pour le Clan il y a quelques années, de la main gauche un Roméo et Juliette « exhibition n°4 », enveloppés par les volutes bleutées du cigare, et le regard égaré dans la transparence ambrée du whisky, nous écoutions la voix troublante de Billie Holiday.

Dans une plénitude hédoniste nous savourions un moment de pur délice, et échangions sur le Clan, sur ses membres et leur diversité qui en fait la richesse.

Ceux là nous ont quittés, ceux ci nous ont rejoints, avides de découvertes, et puis, les amis de la première heure sont encore là toujours nombreux. Parmi ce petit monde, des curieux, des rêveurs, des ingénieux, des ingénieurs, des drôles, des intellectuels, de doux dingues, des bricoleurs, des encyclopédiques, des collectionneurs, des passionnés, des jeunes et des moins jeunes, des détachés, des poètes, des sérieux, mais que lie leur passion commune et que relient le plus souvent la solidarité et l’amitié.

Et puis surtout, sans atteindre encore à la parité lors de nos rencontres, nos amies, nos compagnes sont toujours plus nombreuses à partager ces moments de détente, détruisant ainsi le mythe d’un plaisir exclusivement dédié au masculin !!

Au fil du temps, les lieux qui nous accueillent changent aussi et c’est ainsi. Hier c’était encore Bercy, le Cercle Républicain, les deux Bouchons, l’Autrement Dit, les Feuillantines, l’An II, les Galopins, où nous avons passé tant de bons moments. Aujourd’hui, c’est Génicourt, la taverne du petit Wasquehal, le Meurice, Quelques saveurs du Sud, Saint Cyr sur Loire, et plus récemment le Bar Belge ou Patrick Lemaire nous a reçu chaleureusement.

Si les gens, si les lieux changent, que dire de nos comportements, de notre curiosité, de nos goûts, de notre façon de déguster. Que dire de nos whiskies, souvent façonnés par la diversité des affinages, et par la tourbe appliquée au millimètre, quand elle ne fut longtemps qu’approximative ? Aurait-on, il y a quelques années, proposé à nos invités un dîner au whisky? Lors de nos premiers voyages, nous surprenions les Ecossais eux-mêmes en leur domaine, par nos lubies de Frenchies. Martine Nouet, écrivain et cuisinière émérite, grande prêtresse de la cuisine au whisky et des compositions insolites, nous a surpris puis séduit par l’originalité des alliances aromatiques et de saveurs inédites, donnant par là même une autre façon de flatter nos papilles, par des rencontres étincelantes et inventives.
Quelques grands chefs s’y risquent avec bonheur, bien loin de l’alchimie de la cuisine moléculaire, profitant des infinies variations apportées par les innovations en matière de finitions que des précurseurs comme Balvenie ou Glenmorrangie ont initiés il y a de nombreuses années.

Dans quelques jours c’est l’explosion du printemps, soyons optimistes, le Clan n’a pas fini d’évoluer et le whisky de nous étonner.

Gérard TRENTESAUX