Sourires

En cette période de l’année propice à la détente, j’ai eu envie de vous faire part de quelques propos entendus sur le  whisky (sérieux s’abstenir !).

Les salons ou les espaces de salons réservés aux « gastronomes » sont autant de lieux où l’on entend plein d’amusants commentaires.

Je me souviens de ce monsieur qui, levant le verre parfaitement propre dans lequel je venais de lui verser un centilitre de Single Speyside, me fait remarquer : « l’est pas clair vot’ whisky ! ». Je crois que lui non plus n’était pas « clair », mais nous étions en fin de journée… C’est alors que prenant un ton confidentiel, il me demande presque à voix basse : « dites-moi, c’est fait avec quelle sorte de pommes de terre le whisky ? » J’essaie de lui expliquer qu’on utilise de l’orge, etc., mais il insiste, se fait suppliant puis se fâche : « Alors, vous qui présentez un club d’amateurs de whiskies, vous devez savoir quelles pommes de terre on utilise, ou alors vous n’y connaissez rien ! ». Bref au bout d’un certain temps et après confirmation par d’autres membres du clan qu’un single malt whisky était fait avec de l’orge, de l’eau et de la levure, il est reparti très déçu : « Alors c’est pas du vrai whisky ! ».

Un autre jour, une femme demandait si le whisky était bon pour le cholestérol. Ne me sentant pas compétente en la matière, je lui ai présenté notre ami Gérard, présent sur le stand. En excellent praticien, il lui a donné quelques explications (dont j’ai compris que si le whisky était moins mauvais que d’autres alcools quand on a du cholestérol, ce n’était pas non plus un remède capable de vous guérir). La dame a paru satisfaite ponctuant son remerciement
d’un « de toutes façons, moi, j’ai des triglycérides et je n’aime pas le whisky ! ».

Mais le grand vainqueur, ce fut en Touraine que je l’ai rencontré. Il parlait beaucoup et était accompagné de quelques amis qui semblaient boire ses paroles. Feuilletant notre sélection de régionaux, il commente : « Il est cher votre whisky ! — Monsieur, ce sont des single malts… — Il est quand même cher ! » Puis, se penchant sur le commentaire du single Islay : « Ah mais c’est un whisky tourbé ! C’est pour ça qu’il est cher ! » C’est alors qu’il se tourne vers ses amis et nous entendons l’explication suivante (que nous, pauvres membres du Clan, n’aurions jamais pu imaginer) : « Les whiskies tourbés sont toujours plus chers que les autres, mais c’est normal,
parce que moi, je suis allé en Ecosse et j’ai vu des femmes, accroupies dans les champs de tourbe … c’est à la petite cuillère qu’elles mettent la tourbe dans les bouteilles ! Alors c’est pour cela que c’est cher ». Pris d’un fou rire difficile à réprimer, nous n’avons osé le détromper, pour ne pas troubler l’aura de ce monsieur auprès de ses amis !

Les distilleries nous réservent aussi parfois quelques surprises. Nous étions entre 12 et 18 participants aux voyages sur l’île d’Islay, en 2000, 2002, et 2003, et nous avons tous entendu invariablement, dans une certaine distillerie, la même réponse suivante à la question : « Est-ce que vous ajoutez du caramel pour donner de la couleur au whisky ? — Certes pas ! Il est vrai que beaucoup de distilleries le font, mais chez nous : JAMAIS ! On aurait pu croire alors que notre question était une insulte. Curieusement depuis 2007, Sainte-Transparence étant sans doute venue évangéliser le pôle commercial de cette distillerie, le discours a changé et nous entendons désormais : « Bien sûr, pour certains de nos produits nous le faisons, car cela donne une couleur séduisante au produit sans en altérer le goût ». Quelques petits malins ont alors ajouté : « C’est donc nouveau ? — Pas du tout ! nous l’avons toujours fait sur une partie de nos embouteillages… ».

Une seule fois, j’ai failli m’étrangler en entendant une jeune et jolie commerciale, élégante et souriante, présentant une gamme de la distillerie qui l’employait, projecteur et écran à l’appui, ayant sollicité des questions, répondre de la manière suivante à l’une d’elles : « Vous nous parlez tout le temps de malt, mais qu’est ce que le malt ? Ainsi fut la réponse : « Il existe plusieurs sortes d’orge, le malt est l’une d’elle… ». Après lui avoir parlé discrètement, nous avons appris que la pauvre petite sortait d’une école de commerce mais qu’elle n’avait encore jamais visité de distillerie…

Au final, quel bonheur de faire partie du Clan des Grands Malts !

Sláinte !
Marie-Hélène Magnant