La technique du whisky

Le temps du fût

futs-whiskyL’alcool incolore qui sort en mince filet de l’alambic, même s’il contient nombre d’éléments essentiels au résultat final, n’est pas encore digne de l’appellation whisky. Il doit d’abord séjourner dans des fûts de chêne pour acquérir ses qualités.

En Écosse, il s’agit généralement de tonneaux ayant contenu précédemment du bourbon. Car, aux États-Unis, il est interdit de réemployer les fûts utilisés pour le vieillissement, et cela fait des décennies que les Écossais les achètent pour le vieillissement de leurs malts. Ils utilisent également dans une plus faible mesure, des fûts ayant contenu du xérès, voire du porto, du madère, du rhum ou du vin.

Légalement, il faut au moins trois ans d’enfûtage pour que l’eau-de-vie puisse mériter la dénomination de scotch whisky, mais obtenir un grand malt prend bien plus de patience… En général, un single malt commence à être acceptable à partir de 8 à 10 ans de fût. Il va se développer et atteindre son apogée entre 15 et 20 ans, et entame son déclin au-delà de 25 ans. Mais les exceptions sont nombreuses, avec des malts de plus de 30 ans d’une grande fraîcheur aromatique, et d’autres de 10 ans déjà bien achevés.

Le climat écossais, frais mais sans grands écarts de température, a son importance. On le voit avec les bourbons américains qui, soumis à des amplitudes bien plus grandes (hivers glacials, étés torrides), vieillissent jusqu’à deux fois plus vite que les malts d’Écosse.

Atmosphère, atmosphère…

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Le fût, étant poreux (mais pas trop), est en contact permanent avec l’atmosphère des chais de vieillissement. Aussi, dans une ambiance humide, le whisky perd plus d’alcool (car étant plus volatil) que d’eau. Il diminue donc davantage en force qu’en volume et dans une atmosphère sèche, c’est l’inverse : le whisky perd de l’eau, mais nettement moins d’alcool. Son degré mettra donc plus longtemps à baisser.

Le vieillissement d’un malt (comme de toute eau-de-vie) s’arrête à partir de la mise en bouteille. Ce n’est que plusieurs mois après le débouchage que l’eau-de-vie s’oxyde progressivement au contact de l’air, et notamment perd son bouquet.

Attention millésime

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Cette notion, est plutôt trompeuse en ce qui concerne le whisky, car les conditions de récolte de l’orge, et l’année de distillation, n’ont aucune influence sur le résultat final. Seul compte vraiment le temps passé effectivement dans le fût.

Afficher une année pour un malt est une coquetterie sans grande conséquence. L’indication du numéro du fût est bien plus précieuse pour authentifier une durée de vieillissement, apportant la garantie d’une provenance unique lorsqu’il s’agit de faire des comparaisons entre deux bouteilles.

L’eau, à l’origine du whisky ?

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S’il faut beaucoup d’eau pour élaborer du whisky (6 à 8 litres au moins pour un litre d’eau-de-vie sortant de l’alambic, sans compter celle utilisée pour réduire le degré), l’influence réelle de ses qualités sur le résultat final est beaucoup plus controversée.

Certes, il vaut mieux utiliser de l’eau pure, exempte au maximum d’impuretés minérales ou organiques. Quant à la «douceur» de l’eau écossaise tant vantée par les campagnes de publicité, elle tient plus de la légende que d’une vraie réalité : des distilleries réputées comme Glenmorangie, Glenkinchie ou Highland Park se félicitent d’utiliser des eaux chargées en sels minéraux, essentiels à leurs yeux pour le style de leurs malts.

Et quand on connaît l’eau jaunâtre, fortement imprégnée de tourbe, utilisée par Bowmore ou Lagavulin, on se dit que la pureté de l’eau écossaise nécessaire pour faire un bon whisky relève plus de l’imaginaire que d’une quelconque réalité…

Bien déguster un malt

degustation-maltComme pour un vin ou toute autre boisson, la dégustation d’un single malt met en jeu nos principaux sens, à savoir la vue, l’odorat et le goût, ainsi que le toucher, notamment pour en apprécier la texture. Mais, compte-tenu de la spécificité du whisky, il nécessite des critères et un vocabulaire particulier.

En introduction, il est bon de souligner quelques-unes des conditions nécessaires au bon déroule-ment d’une dégustation.

La notion la plus importante, c’est que cette opération est éminemment subjective. Elle repose d’abord sur les sens particuliers et l’expérience du dégustateur. S’il y a bien sûr des caractéristiques propres à un malt que chacun peut découvrir et retrouver, la synthèse finale est propre à chaque dégustateur. Après avoir analysé un malt avec chacun de ses sens, lui seul pourra dire s’il lui plaît ou non, selon ses propres critères, et surtout le plaisir qu’il y aura pris.

C’est pourquoi, tout particulièrement pour les dégustateurs débutants, il ne faut jamais se laisser impressionner par les commentaires des autres participants plus chevronnés. Ils peuvent apporter une aide, en aucun cas ils ne doivent être acceptés tels quels. La remarque pleine d’humilité la plus couramment entendue lors de réunions de dégustation : «je ne suis pas doué, je ne sais pas quoi dire, je ne connais pas les mots corrects» pourrait être louable, elle est en fait à proscrire.

Car chaque individu, depuis sa naissance, reçoit des messages par ses différents sens. Dans une dégustation, il s’agit simplement de faire appel à sa mémoire, en essayant d’identifier les informations visuelles, olfactives et gustatives que nous envoi l’échantillon proposé.

Il n’existe pas de «don» pour la dégustation, dont certains seraient pourvus dès leur naissance, et d’autres privés pour toujours. Tout au contraire, il s’agit d’un apprentissage et d’un perfectionnement qui pourront être permanents.

Sur le plan pratique

Compte-tenu du caractère éminemment subjectif de la dégustation, certaines conditions la favorisent, alors que d’autres la contrarient, voire la rendent impossible.

Tout d’abord, il vaut mieux être à jeun, soit en fin de matinée, soit en fin d’après-midi, lorsque l’organisme commence à être en appétit. A ce stade, nos sens sont plus aiguisés et plus attentifs !

Ensuite, faire attention à son humeur. S’il est irrité ou fatigué, après une longue journée de travail ou un voyage éprouvant, le dégustateur sera moins ouvert et moins disponible pour percevoir les informations spécifiques que lui apportera un malt, aussi exceptionnel soit-il. Être détendu, relaxé constitue toujours une condition appréciable à la réussite d’une dégustation. Quelques exercices de respiration, c’est-à-dire d’oxygénation accrue de l’organisme, sont également salutaires. Bien évidemment, le fait d’avoir un rhume ou une bronchite sont rédhibitoires !

Enfin, pour pouvoir se concentrer, la pièce où se déroule la dégustation doit être claire, aérée, à température tempérée, et la plus calme possible. Difficile en effet dans un brouhaha de conversations de bien percevoir les caractéristiques d’un malt.

Le verre doit être propre et net, sans poussière ni traces de doigt. En cas de doute, ne pas hésiter à le rincer avec un peu d’eau fraîche. L’eau est d’ailleurs appelée à jouer un rôle important dans la suite des opérations, notamment pour atténuer si nécessaire la puissance de l’alcool, et pour se rincer la bouche entre deux malts différents, afin d’éviter que l’un interfère sur l’autre.

Au cours d’une même séance, le nombre de malts à déguster ne doit pas dépasser quatre ou cinq, surtout en raison de la saturation rapide des papilles et des récepteurs olfactifs. Cette saturation intervient d’autant plus vite que le degré d’alcool est élevé (notamment avec les bruts de fût) et devient agressif pour les sens, qui ont du coup tendance à se bloquer.

Enfin, tout en faisant attention à ce qui se passe, la dégustation ne doit pas être vécue comme une épreuve intimidante ou austère, mais constituer une source de plaisir et de bien-être, surtout si les malts soumis à l’examen sont de bonne qualité (ce qui est toujours le cas au Clan, bien entendu). C’est pourquoi le partage des impressions sensorielles est un moment important : il ne s’agit pas d’un contrôle des connaissances, mais avant tout d’un échange entre tous les participants pour comparer leurs impressions, dire le bien ou le mal qu’ils pensent du malt en question, en étant attentif à ce que les autres ont pu trouver comme notes aromatiques ou gustatives particulières.
C’est aussi comme cela que se développe le plaisir de la dégustation : partager entre amis la découverte d’un grand malt, fruit d’années de travail et de patience.
ecossaise