LES NEWS ET LES POTINS … SWELL DE SPIRITS

Une nouvelle génération d’embouteilleurs indépendants. Interview de Mickael Barbaria

Cadenhead, Gordon & MacPhail ou encore Signatory Vintage ont la part belle lorsqu’on évoque les embouteilleurs indépendants. Ils se distinguent des embouteilleurs officiels que sont les distilleries. Ces stakhanovistes du whisky sillonnent le monde à la découverte de LA cuvée. Fins connaisseurs et souvent négociants, ils sourcent donc les whiskies directement auprès des distilleries. Certains les font vieillir dans leurs chais, d’autres leur apportent une seconde maturation ou un finish avant de les embouteiller sous leur nom.

Aujourd’hui la qualité rime avec la traçabilité, alors la distillerie d’origine est mentionnée, sauf quelques exceptions bien entendu. Une nouvelle génération d’embouteilleurs indépendants émerge. Si, certains se spécialisent dans le rhum ou le whisky, nous sommes partis à la rencontre d’un palais aiguisé qui rend hommage à toutes les catégories de spiritueux français en réalisant des sélections pointues en éditions ultra limitées : Michaël Barbaria, créateur de Swell de Spirits.

Quel est ton parcours ?
Michaël Barbaria : Issu d’une famille d’origine italienne, j’ai baigné tôt dans l’univers des vins et des spiritueux. Pas un repas de famille ne pouvait s’achever sans l’indétrônable Grappa.

Voilà pour les débuts de mes appétences pour les spiritueux et la distillation, sinon je suis ingénieur de formation. J’ai commencé chez Airbus dans le design et le calcul de structure, mais je n’étais pas en phase avec ce métier. Les voyages forment la jeunesse et j’avais envie de découvrir le monde. Alors je suis parti surfer la vague en Australie. D’ailleurs, ma passion pour le surf a inspiré le nom de ma boîte : Swell de Spirits. Swell, signifie houle. En surf, la houle désigne une vague propice à la pratique de la glisse. Cette ondulation puissante est gorgée d’énergie. Alors Swell de Spirits, littéralement la Houle des Spiritueux, retranscrit bien mon envie de créer une synergie entre les différentes eaux-de-vie et de mettre en lumière l’histoire des domaines et distilleries que j’ai découvert.

En résumé, j’ai été expat pendant 14 ans (Australie, Asie, Allemagne). Ce n’est qu’en 2017, lorsque j’ai repris mes études à l’ESCP Europe que j’ai commencé à toucher du doigt le fait de pouvoir vivre de ma passion des spiritueux. J’ai toujours été un afficionado, avec une préférence pour le whisky écossais. D’ailleurs ma femme est écossaise, mais elle ne s’appelle pas Rita (ndlr comme l’épouse de Masataka Taketsuru). Avant même de créer Swell de Spirits, j’avais commencé à acheter des fûts âgés de 3-4 ans, des new makes avec l’idée d’embouteiller pour un club de dégustation ou autre, même la finalité restait abstruse, mon leitmotiv était le partage animé par la découverte. En 2022, j’ai eu l’occasion de distiller aux côtés de Francis Cuthbert – propriétaire de la distillerie écossaise Daftmill, située dans les Lowlands.

Qu’est-ce qui t’a séduit dans l’univers des spiritueux ?
MB : Pas mal de choses. Si pour moi toutes les étapes sont importantes, c’est la distillation qui m’a séduit. La transformation de chaque matière première (orge, canne à sucre, vigne), c’est juste magique. Avec la distillation, on a un véritable morceau d’histoire. Cette méthode ancestrale qui traverse les siècles continue de nous surprendre. D’ailleurs, le distillat qui sort de l’alambic c’est l’ADN de la distillerie. Cela étant, ce que j’aime avec le vieillissement, c’est que même les meilleurs chimistes ne peuvent pas prévoir son résultat. Cette étape qui réserve son lot de surprises, bonnes ou mauvaises d’ailleurs, contribue à la magie de l’univers des spiritueux. Enfin, les rencontres et les échanges avec les différents acteurs de ce milieu m’enrichissent chaque jour et me confortent dans ma passion.

Qu’est-ce qui te plait le plus dans le fait d’être embouteilleur indépendant ?
MB : Rendre un hommage aux histoires, aux producteurs, mettre en lumière un savoir-faire. Le côté humain. Le partage.

Penses-tu que l’univers des spiritueux prend un coup de jeune et surtout qu’il devient de plus en plus « Geek » ?
MB : Oui. Les amateurs se forment et se renseignent de plus en plus sur la catégorie qui les intéresse. Certains passionnés vont jusqu’à se cotiser pour acheter une bouteille qu’ils découvriront et dégusteront ensemble (à cause de certains prix qui s’envolent, je pense notamment aux whiskies et de plus en plus aux rhums). Il y a une vraie tendance du consommer moins mais meilleur. Le whisky se rajeunit aussi. D’ailleurs, le côté embouteilleur indépendant a apporté un vent de fraîcheur. Pour moi, il n’y a pas de dogme dans la dégustation, l’essentiel est dans la découverte et le partage.

Quel a été le déclic pour te lancer dans l’aventure ?
MB : Décision familiale, que l’un des deux puissent vivre de sa passion. En 2020, le projet est arrivé à maturité. En 2021, j’ai ouvert le bal avec le Cognac Pasquet. L’idée est d’amener les amateurs de whisky et de rhum aux spiritueux français, de créer des passerelles entre les différentes catégories de spiritueux.

Quel est le critère « coup de coeur » pour sélectionner tel ou tel spiritueux ?
MB : Je marche au coup de coeur. Je décortique beaucoup, je suis dans le détail, ça doit venir de mon côté ingénieur. Je déguste peu mais bien et fait beaucoup de « nosing ».

Une philosophie à partager ?
MB : Vivre la vie à fond, se faire plaisir.

Quel est le maître mot d’un spiritueux réussi ?
MB : Chaque spiritueux a des critères que j’aime ou pas, mais quand je déguste et sélectionne, j’aime retrouver les codes organoleptiques typiques de la région. Par exemple, si je vais sur Islay, il faut que la tourbe un peu « dirty » soit combinée à une fumée subtile. Je recherche la finesse de l’élevage alliée à l’élégance du distillat.

Une anecdote croustillante sur le whisky ?
MB : Sais-tu ce que signifie l’acronyme FWP ? Il désigne un arôme intense de violette que certains embouteillages de whisky Bowmore (uniquement les officiels) réalisés dans les années 1980 présentent. Ce parfum intense de violette, jugé désagréable a été baptisé FWP (French Whore Perfume). Outre la référence un peu grivoise, voire désobligeante, ce problème survient pendant le brassage et non à l’étape du refroidissement des vapeurs d’alcool à la sortie de l’alambic grâce à des condenseurs comme beaucoup l’ont pensé. Ce défaut se produit lorsque la première eau du brassage est beaucoup trop chaude, en l’occurrence chez Bowmore, elle était à plus de 90°C.

A seulement 39 ans, Michaël Barbaria incarne la nouvelle génération d’embouteilleurs indépendants. Du cognac au whisky en passant par le calvados, l’armagnac et le rhum, Michaël Barbaria rend hommage à chacune des catégories et aux histoires familiales qui se cachent derrière chaque cuvée qu’il sélectionne et embouteille.

Marie-Sophie Girodet Bourhis