NINKASI SIGNE UN ÉTONNANT PREMIER SINGLE MALT

Par Gilbert DELOS

Installée à Tarare dans le Rhône, la brasserie-distillerie Ninkasi a commercialisé en novembre dernier son premier single malt qui, à trois ans d’âge à peine, s’est révélé d’une étonnante maturité. Une distillation lente et le choix de fûts de vins blancs de la région expliquent sans doute ce résultat inhabituel pour un malt de cet âge. En s’installant à Tarare en 2015, la brasserie Ninkasi (créée à Lyon Gerland en 1997) a immédiatement prévu d’y créer également une distillerie pour y élaborer un gin et une vodka, ainsi qu’un whisky. Après les trois ans légaux pour obtenir la dénomination « whisky », la toute première édition a été dévoilée à la fin de l’année dernière. Appelée Track Ø1, il s’agit d’une série très limitée de mille bouteilles de 50 cl…
toutes déjà vendues (au prix de 49,90 €) après réservation sur le site internet dédié.

L’atout des vins régionaux

La réalisation de ce premier single malt a débuté par le brassage d’une bière « ronde et douce » selon Alban Perret, le maître distillateur de Ninkasi. Titrant 8 % d’alcool vol. et bien évidemment , non houblonnée, elle est à base uniquement de malt Pilsen (une qualité de malt pâle), et a ensuite été distillée dans l’unique alambic, chauffé à la vapeur, d’une capacité de 2 500 litres. Après une distillation très lente, en est sorti un premier alcool titrant 32 %. La deuxième a donné finalement une eau-de-vie à 72 % qui, une fois ramenée à 63,5 %, a été enfûtée dans des tonneaux ayant contenu du vin blanc. Mais pas n’importe lesquels ! Le choix d’Alban Perret s’est porté sur des fûts de Condrieu, ce vin blanc très particulier, à la fois gras et très aromatique, produit à partir du cépage Viognier dans une petite appellation du département de la Vienne. Ils avaient servis quatre fois dans la maison Louis Chèze avant d’arriver chez Ninkasi.

Après un séjour de deux ans dans les deux fûts de Condrieu, l’eau-de-vie a été transvasée dans deux autres fûts, ayant contenu eux du vin blanc sec de Montagny, vignoble de la côte  chalonnaise à base de chardonnay, pour une durée d’un an cette fois. Et donc, trois ans après le démarrage, c’est cette eau-de-vie, devenue whisky, qui a été embouteillée à l’automne dernier après réduction à 46,4°.

Ce single malt a été présenté à la presse spécialisée pour son lancement, et voici les notes de la dégustation que j’ai prises à cette occasion :

« Couleur ambré soutenu. Le nez, d’abord très doux, prend rapidement de la puissance, associant abricot bien mûr et fleurs jaunes, sur un boisé plutôt fi n. En bouche, il est puissant dès l’attaque, avec une dominante sur le moelleux. On retrouve le fruité du nez, avec un joli boisé et des notes de caramel au beurre, et il devient de plus en plus chaleureux jusqu’à la finale, bien persistante ».

Mon plus grand étonnement, comme celui de mes confrères, a été de découvrir un malt en pleine maturité, alors qu’il n’a que trois ans de fût, et je lui en aurais donné volontiers le triple. Le choix des fûts y est évidemment pour beaucoup, mais ne résulte pas du hasard. Car Alban Perret est lui-même viticulteur, dans le Beaujolais, ce qui lui donne une grande connaissance des vins régionaux. De plus, il a une bonne pratique de la distillation, notamment dans l’élaboration de marcs de Bourgogne.

Appelé Track Ø2, un second single malt est d’ores et déjà annoncé par Ninkasi pour mai prochain. Celui-ci aura vieilli trois ans uniquement dans les fûts de la maison Louis Chèze, à partir d’une bière élaborée avec du malt pilsen, mais aussi du malt tourbé ! Il sera possible de le réserver prochainement sur le site https://shop.ninkasi.fr/fr/12-spiritueux.

Il rejoindra la gamme de spiritueux Ninkasi déjà bien étoff ée, comprenant notamment une vraie innovation, le Sweet Malt Spirit. Sur le principe des vins mutés comme le porto ou le banyuls, il s’agit d’une bière à qui a été ajouté de l’alcool de bière, et va connaître un  vieillissement de trois mois en fût de chêne français avant l’embouteillage à 20 % d’alc.vol.

Existent également deux vodkas, dont une aromatisée au houblon tchèque Saaz, un gin (également au Saaz), et des spiritueux aromatisés à différents fruits : mûre et rose, pêche et  gingembre, curaçao et fruit de la passion, framboise et poivron, chocolat et banane.

La production va progressivement augmenter, puisqu’un deuxième alambic Chavignac, d’une capacité de 1 500 litres, est attendu pour le printemps. Et les chais de la distillerie abritent déjà près de 140 fûts d’eau-de-vie en cours d’affinage.

En matière de whiskies français originaux et exprimant avec force et subtilité leur terroir, il va désormais falloir compter avec Ninkasi !

Gilbert DELOS