L’apport du xérès
La plus réputée des dernières distilleries de la région du Kyntire, qui en a compté plus d’une trentaine. Springbank, qui appartient à la famille Mitchell depuis sa création en 1828, maintient presque à elle seule l’originalité du style somptueux et complexe des malts de Campbeltown, dont l’aptitude au vieillissement est particulièrement remarquable. Tout est fait ici sur place, du maltage à l’embouteillage, avec une double distillation et demie.
Jaune doré un peu trouble. Nez fondu, plutôt végétal, un peu tourbé, mais aussi des notes fruitées. Attaque onctueuse, voluptueuse, avec une tonalité miellée. Il devient plus puissant ensuite, sans être agressif. Le caractère classique de Springbank (tourbe végétale, malt bien marqué) est ici comme enrobe, sans doute suite à l’influence du xérès. L’ensemble reste très agréable, et d’une belle structure, mais perd en personnalité. Longue finale se terminant sur le fruité, un peu pruneau.
Une belle ampleur fruitée et poivrée
Fondée au départ en 1823, cette distillerie a été brûlée deux fois par des concurrents, avant de s’installer définitivement en 1845. Toute l’histoire de cette distillerie des Highlands orientales a été marquée par sa situation, à trois kilomètres du château de Balmoral, choisi par la reine Victoria comme résidence d’été à partir de 1848. Ce malt ayant eu l’honneur de lui plaire, la distillerie devint fournisseur officiel de la cour, d’où son adjectif de “Royal”. Elle a été fortement remaniée en 1963. Également très apprécié des blenders (Vat 69 surtout), il était le plus cher en Ecosse dans les années 1960.
Jaune soutenu. Discrète mais intéressante richesse du nez, avec beaucoup de fruité, du miel et un caractère plutôt épicé. Attaque moelleuse, chaleureuse, puis se développe avec l’alcool une belle puissance aromatique. On retrouve les constituants du nez, mais bien fondus, très harmonieux. Finale très épicée, poivre noir et gingembre, avec une belle astringence. Un bon malt d’après repas, malgré sa jeunesse.
Entre tourbe et fruité
Portant le nom d’une ancienne distillerie de Campbeltown fondée en 1896, et dont le dernier bâtiment existant abrite un des chais de Springbank, Longrow est aujourd’hui un single malt distillé dans les mêmes alambics que ceux servant à élaborer le Springbank. Mais est utilisé un malt entièrement tourbe (et non partiellement), avec une Vieillissement en fût double distillation classique, et un vieillissement de madère uniquement en fût de réemploi. Ce malt, peu produit, a servi d’abord à donner des notes tourbées aux blends de Springbank, avant d’être commercialisé en single depuis les années 90.
Nez de pommes rouges, terreux et pastèque juteuse. Surtout très fruité, avec aussi de la tourbe végétale. En bouche, entre vieux cuir et raisins rouges sucrés. Mélange de cendre et de gazon coupé. Notes de mangue et de pamplemousse rosé. Sur la finale, un fumé léger se marie avec les fruits tropicaux. Très persistant et agréablement réconfortant.
Un apéritif bien élégant
Fondée en 1821, cette distillerie d’Elgin, dans la partie nord du Speyside, a connu de nombreux remaniements depuis. Toutefois, l’un de ses dirigeants, entre les deux guerres, était renommé pour ne remplacer qu’à l’identique les alambics trop âgés, en y martelant les mêmes bosses. Les deux importants alambics d’origine (maintenant non utilisés) ont été complétés par quatre autres lors d’un agrandissement en 1973. Surtout secs et épicés, les malts développent également d’autres aspects grâce à l’utilisation de fûts de xérès.
Jaune pâle. Nez sec comme un fino, avec des notes de fleurs blanches. Attaque fine et élégante, puis il prend une belle puissance, avec un caractère bien sec, épicé et même poivré. Accompagné par un joli fruité (poire surtout), il prolonge son caractère sec et bien apéritif jusqu’à la finale, offrant une jolie persistance.
Un peu jeune encore
En face d’Islay, et peuplée de cerfs (qui lui ont donné son nom en ancien norvégien), l’île de Jura, montagneuse et peu habitée, doit une partie de sa célébrité à George Orwell, qui, dans ce cadre tourmenté, y a écrit son roman 1984. La distillerie remonte au moins au début du 19e siècle, mais a été remaniée et modernisée à plusieurs reprises depuis. Elle se caractérise par des alambics aux cols très longs. Depuis quelques années, sont apparus des malts tourbes, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Jaune très pâle. Nez discret, plutôt herbacé avec de rares notes de fruits jaunes (pêche). L’attaque est assez vive, et même plutôt brûlante pour un réduit. Le corps est par contre assez gras, moelleux, mais bien épicé, avec une dominante poivrée qui l’emporte sur le reste : céréales, fruits secs, raisin muscat. Il aurait sans doute mérité de rester quelques années de plus en fûts pour mieux se développer. A apprécier surtout à l’apéritif.
Si jeune et déjà très complet
Une ancienne distillerie de Campbeltown (1836-1925) a donné son nom à ce single malt distillé pour la première fois en 1996 par les Mitchell, toujours dans les mêmes alambics que Springbank et Longrow. L’idée aurait été de refaire un malt comme dans les Lowlands, en utilisant un orge malté non tourbé, et en pratiquant une triple distillation, comme à Auchentoshan. Le vieillissement est réalisé en fûts de bourbon, et maintenant de xérès.
Ambré soutenu. Nez opulent, avec une dominante de fruits cuits, de pruneau et de caramel. Moelleux, voire suave dès l’attaque, il prend ensuite une grande puissance qui tapisse tout le palais, avec une fabuleuse richesse aromatique : fruits secs, fruits rouges compotés, pruneau, caramel, toffee, biscuit au beurre, orange confite, raisins de Corinthe, figues séchées, cacao amer… L’ensemble est toutefois très fondu, et remarquablement équilibré. Sur la finale, il évolue sur une légère astringence, ce qui le rend un plus sec et apéritif, sans rien perdre de sa douceur. Etonnant pour un malt encore jeune !
Autour du chocolat
Après un démarrage en 1878, la faillite d’une banque a d’abord retardé son ouverture jusqu’en 1887. Située à Rothes (qui en compte quatre autres), dans le Speyside, cette distillerie a été par la suite agrandie deux fois, et compte aujourd’hui dix alambics. Mais ses malts sont rares en embouteillage en single, car l’essentiel est utilisé par les blenders, notamment pour l’élaboration du Cutty Sark. Elle appartient depuis 1999 à Edrington Group, mais ses malts sont distribués par Berry Brothers. D –
Ambré très foncé, acajou. Nez de fruits rouges très mûrs, voire confitures, cacao et pointe d’acidité. Attaque puissante, voire brûlante, puis le malt se révèle assez moelleux, mais présente aussi une structure sèche, voire tannique. Les fruits cuits, le pruneau, mais aussi les amandes et les raisins secs sont au rendez-vous d’une belle richesse aromatique. On retrouve aussi de l’amertume autour du cacao. Il pourrait très bien accompagner une mousse au chocolat noir, mais constitue surtout un superbe digestif. Car sa longue finale présente ensuite une belle persistance.
Apéritif et bien malté
Cette distillerie fondée en 1833 présente la particularité d’être géographiquement dans les Lowlands, mais d’avoir été rattachée aux Highlands depuis une trentaine d’années, car l’eau qu’elle utilise en provient directement. En outre, sa typicité n’a rien à voir avec les malts herbacés et floraux des Lowlands. Une des spécificités de la distillerie est d’utiliser différents xérès pour le vieillissement de ses malts. Nichée dans une vallée boisée où la rivière Campsie tombe en cascade, c’est en outre une des plus jolies de la région, voire d’Ecosse, ce qui ne gâte rien…
Jaune doré. Nez fermé, peu expressif, plutôt céréalier à l’aération. Vif à l’attaque, il se développe sur le malt, avec du moelleux et de la rondeur, mais sans perdre son caractère sec. qui lui donne un caractère nettement apéritif, malgré quelques notes de miel de bruyère. Finale assez longue, surtout sur la puissance maltée.
Poivré, voire volcanique
Fondée en 1891 par le créateur de White Horse, Peter Mackie, cette distillerie a servi principalement à l’assemblage de ce blend, même si son embouteillage en single a commencé très tôt, quoiqu’en quantités limitées. Située au coeur du Speyside, non loin de Macallan, elle a été modernisée et agrandie en 1965. Elle appartient depuis 1998 au groupe Martini-Bacardi.
Jaune doré, légèrement rosé. Nez délicat, d’une belle finesse, mêlant céréales et légères notes de fruits rouges. Attaque très vive en bouche, épicée et presque brûlante, nécessitant un peu d’eau (et ce n’est pas un brut de fût…). Le corps se révèle ensuite plutôt moelleux, voire onctueux, avec une dominante de fruits rouges (fraise, framboise), mais également bien maltée. Tonalité tout de même sur le sec, le poivré, jusqu’à la finale, assez longue… Un malt plaisant… si on franchit le cap de sa volcanique puissance initiale !
Une élégance légèrement tourbée
Créée à la fin des années 80 par John Teeling, la distillerie Cooley a mis fin au monopole d’Irish Distillers en élaborant des whiskies de malt et de grain, ainsi que des blends. Bien que reprenant d’anciennes marques (Tyrconnell, Locke’s) ou en créant de nouvelles, elle n’utilise pas les méthodes irlandaises, mais bien plus celles d’Ecosse, comme la double distillation ou l’emploi de malts tourbes, surtout dans son single malt tourbe Connemara, qui est un des rares en Irlande à être embouteillé brut de fût.
Jaune très pâle, avec des reflets vert d’eau. Le nez dégage progressivement de fines notes tourbées, avec du gazon fraîchement coupé, des fleurs blanches et quelques traces d’agrumes. En bouche, l’attaque, d’abord élégante, prend vite une belle puissance, sans rien perdre de sa finesse. La tourbe se fait assez discrète, bien environnée par le caractère végétal perçu au nez, avec quelques notes citronnées. Sur la finale, il prend un style plus épicé, tout en restant bien sec. Une version toute en subtilités aromatiques, où la tourbe n’est plus la seule composante.