Dilution or not dilution, that’s the dilemma

Pastis, homéopathie et whisky

Gainsbourg appréciait le 102, un double Pastis 51 sans eau, en cela il transgressait la tradition. Dans ce que nous appelons encore pour quelque temps le midi, il est d’usage de déguster une boisson transparente et cuivrée qui se trouble avec de l’eau fraîche, devient jaunâtre et laiteuse. Question de culture, de température et de tempérament… et parfois cette alchimie nous échappe. 1/5e de Pastis, 4/5e d’eau fraîche et le tour est joué, mais que se passe t- il vraiment dans notre verre ? Dans le Pastis, il y a déjà 54,8 % d’eau et 0,2 % d’extraits de plantes aromatiques (surtout fenouil et Badiane), c’est précisément dans ces derniers que se cache le responsable du trouble, qui nous trouble. L’anéthol, l’huile (essentielle, aujourd’hui, toute huile est essentielle…) issue de ces plantes, responsable de son arôme, est soluble dans l’alcool si celui-ci dépasse 45 % en volume. Jusqu’ici tout va bien, Les molécules se répartissent le terrain, comme l’OM et le PSG. Ajouter l’eau fraîche de la carafe, rien ne va plus, la concentration d’alcool diminue, l’anéthol reprend sa liberté, se concentre en gouttelettes, cela devient une émulsion qui diffuse la lumière. C’est donc un phénomène physico-chimique complexe qui fait la magie du « petit jaune ». Réaction que de facétieux chercheurs ont nommé « l’effet pastis » !

Et le whisky ? En dehors de lever quelques inhibitions dans nos comportements, que lui apporte l’eau ? Est -il meilleur dilué ou sans eau, les deux parties s’affrontent, et le débat fait rage chez les connaisseurs, (les Japonais, grands amateurs, y ajoutent de la glace « l’Ice ball » énorme boule glace taillée au pic). Pourquoi diable les amateurs français de whisky savourent-ils le plus souvent leur scotch sec en se frappant la poitrine ? C’est l’une de ces coutumes barbares que les Ecossais ne s’expliquent toujours pas, malgré notre amitié. Eux-mêmes, pour la plupart, y ajoutent de l’eau pour en révéler tous les arômes et en réduire le degré d’alcool, sauf s’il s’agit d’un « vénérable » auquel cas, le troubler mériterait l’enfer, au mieux un total mépris.

Avec ou sans adjonction d’eau, la science a peut être tranché et selon certains chimistes, vous devriez ajouter de l’eau à votre whisky. Mais comment l’eau peut-elle améliorer le goût du whisky ? Une paire de joyeux savants de l’université de Kalmar en Suède (Pays neutre, ils sont peut- être plus objectifs) ont examiné une molécule de gaïacol, un des constituants du whisky et lui donne une part de son goût et son fumé. En modélisant par informatique différents mélanges d’eau, d’éthanol et de gaïacol, ces chercheurs à jeun d’après notre enquête, viennent de démontrer que la teneur en éthanol affectait considérablement la manière dont le Gaïacol se comportait… Ethanol et gaïacol sont amphiphiles, tout vient de là ! (une molécule avec tête hydrophile et queue hydrophobe…).

À des concentrations d’éthanol supérieures à 50 %, le gaïacol s’est mélangé à toute la boisson et s’éloigne de la surface. Mais à des concentrations inférieures à 40 %, ils constatent que l’éthanol et le gaïacol se regroupent ensemble à la surface de la boisson ! Cela permet de mieux apprécier l’arôme et la saveur du whisky à la surface…
Et voila mon cher Watson…

En réalité l’ajout d’eau est avant tout une affaire de goût !

Mais ne diluons pas trop, à trop diluer on aborde le domaine mystérieux de l’homéopathie et des extrêmes dilutions,où une molécule même absente, laisserait une trace, une empreinte électromagnétique après « dynamisation », c’est la mémoire de l’eau, conservant les propriétés de substances disparues, au-delà d’un effet placebo et de l’évolution naturelle de la maladie…

Mais n’en abusez pas avec votre whisky, ce serait inutile et fantaisiste ! Si vous diluez, restez raisonnable.

Bonne dégustation,

Gérard Trentesaux