L’ASSEMBLAGE DANS TOUT SES ÉTATS

Dans l’art du Patchwork il s’agit pour l’artiste d’assembler d’anciennes pièces de tissus afin de réaliser par l’harmonie des lignes et des couleurs d’admirables compositions sublimant le caractère utilitaire auquel leurs origines modestes les destinaient.
Un assemblage hasardeux n’aurait qu’un déplorable effet esthétique, et les traditions discrètes mais évidentes guident encore les doigts de nos artistes contemporains vers un quilting plein de poésie.

Que serait la peinture sans le mélange inspiré, magique, variable à l’infini du bleu, du rouge, du jaune, recréant la lumière…
Cet exercice de métissage s’adresse aussi à d’autres sens, le goût et l’odorat, quand là aussi nos aînés, nos ancêtres, dépassèrent nos satisfactions vulgaires pour aller vers plus de sensations hédonistes.

Le champagne selon telle ou telle maison marie le vineux Pinot noir, l’élégant Chardonnay, parfois le Pinot Meunier, pour obtenir un style reconnaissable, une originalité qui le distingue.

En Châteauneuf le vigneron réalise de minutieux assemblages avec une palette de plus de dix cépages différents pour réaliser ce vin d’une splendide complexité.

Si le single cask ( embouteillage d’un seul fût ) au degré naturel reste un must pour nos palais exigeants, l’expérience gustative retirée de l’alchimie que réalise le distillat, le bois et le souvenir aromatique d’un contenu éphémère reste unique et, bonne ou mauvaise, celle-ci est sans lendemain. Original et singulier il reste confidentiel ( sauf au Clan des Grands Malts…).

Mais l’art de l’assemblage n’a-t-il pas trouvé de meilleur terreau que dans le whisky, tout d’abord au travers des blends à partir de 1860, puis un siècle plus tard avec l’évolution du goût vers les Single malts, dans des whiskies millésimés ou des versions d’age.

Alcool obtenu par la distillation d’une bière, au début mélange de céréales en excédent auxquelles on ajoutait des aromates et des épices, pendant longtemps ce furent des mélanges hasardeux d’alcools de céréales parfois différents. Au nord de la Highland Line des whiskies à base de malt, d’orge non malté, parfois de froment, au sud des whiskies de grains de médiocre qualité pour l’essentiel, rectifié et transformé en Gin.

D’abord les malts agricoles du nord de l’Ecosse, puissants et rustiques, furent assemblés en vatted malts dans les épiceries de commerçants devenus célèbres tels que John Dewar, Johnnie Walker, Berry Brothers ou encore Georges Ballantine, créant les premières marques et annonçant les whiskies modernes .

Puis déjà vers 1850 des assemblages de whiskies d’âges différents provenant de la même distillerie furent réalisés en entrepôts. Enfin, l’élaboration des blends mettait fin à des décennies de production de produits douteux, donnant un gage de qualité, rendant l’approche plus facile et le prix plus accessible que les whiskies de malt, à l’évidence au commencement d’une autre époque. Actuellement les meilleurs blends peuvent être des produits tout à fait respectables, selon la proportion de malts de qualité qu’ils contiennent et le sérieux de leur vieillissement.

Les single malts millésimés (le millésime étant l’année de distillation ), ceux qui, contrairement aux humains arborent fièrement leur age (celui-ci étant l’age du plus jeune fût entrant dans sa composition) résultent d’un savant dosage entre les fûts. Prenant chez chacun d’eux ce qu’il a de meilleur, l’ assembleur  sélectionne parfois jusqu’à cinquante fûts pour réaliser son « produit ». Sans son expertise et l’expérience, le résultat pourrait être médiocre…. Ces assemblages dans leurs multiples facettes, variables à l’infini mais aussi le fruit de  recettes précises ( et tenues secrètes), réalisent les conditions de produits constants, équilibrés, et comme l’énergie, longtemps renouvelables !

Dans tout cela ce qui est bon est bon, à la fois simple et compliqué, et encore pour longtemps, espérons-le, le fruit du travail des hommes.

Gérard TRENTESAUX Président