LA GUERRE DES BOUCHONS

Si l’apparence, le plumage, le maquillage, ont pour souci d’attirer et de séduire, nos whiskies n’échappent pas à ce besoin de plaire et l’on voit depuis longtemps évoluer l’étiquetage et la forme des flacons, pour aimanter l’œil et la vue. Déjà en1863, John Dewar créait les premières étiquettes en papier et Berry Bross en son temps créait un logo surprenant avec Cutty Sark. Les spécialistes en marketing redoublent maintenant d’imagination pour que la forme, la couleur des embouteillages, l’appellation donnée à tel ou tel, captent l’attention de l’amateur.

Aussi belles soient-elles, si l’on ne veut pas que le contenu s’écoule ou s’évapore (élémentaire, mon cher Watson !) ces bouteilles se doivent d’être fermées et nous n’échappons pas au débat sur les différents modes d’occlusion qui agitent le monde du vin. Déjà en1912 : William Berguis pour Teachers, invente le bouchon de liège réutilisable et en 1925 la distillerie White House crée la capsule à vis pour son whisky.

Quel avenir pour nos bouchons traditionnels et le liège a-t-il vécu ? Pourtant, que ne lui fait on subir pour qu’il soit parfait : la sélection des meilleurs chêne-liège, le plus beau aura le moins de trous possible, pour s’approcher de ce modèle (beau et cher…) on lui bouchera les pores, on le reconstituera avec des granulés et de la colle, on lui mettra des rondelles au dessus et en dessous, on le traitera avec du co2 hypercritique pour éviter cette plaie qu’est le goût de bouchon. Hantise du récoltant éleveur, du caviste, du sommelier, cette odeur de cave, de moisissure, de pourri, de poussière, de vieille barrique abandonnée, mais pas de liège, est acceptable en visitant des chais (un lieu propre au recueillement et non pas à la critique olfactive), mais pas dans nos verres. Les responsables : certaines moisissures produisant des dérivés chlorés en particulier le tristement célèbre 2,4,6-trichloroanisole, fermer le ban ! Si dans l’œnologie ce problème est constant, il n’est pas sûr que les eaux de vie y échappent toujours.

Pour le vin, matière vivante, le liège étanche, souple et poreux, permet son évolution, pour nos whiskies presque immuables un fois scellés, celui-ci subit quelques critiques. Rangés à la verticale, le liège subira un dessèchement néfaste, allongés, l’altération du bouchon par l’alcool sera inéluctable. Alors pourquoi ne pas se tourner vers de nouveaux produits.

Après le traditionnel bouchon en liège, on a vu apparaître les bouchons synthétiques (polyéthylène, sbs, eva), mais qui évolueront mal au fil du temps, le bouchon en verre avec un joint d’étanchéité parfaitement étanche, des capsule à vis avec des joints variés : étain, liège reconstitué, polyéthylène, alliage de vinyle (Saranex), selon l’échange gazeux souhaité.

Passer du bouchon traditionnel en liège, aux bouchons synthétiques, puis aux bouchons en verre et à la capsule à vis, c’est bien sûr moins de charme, nous oublierons peut-être le bruit du liège se libérant son manchon de verre… mais ce sont des avantages auxquels ne résistent plus de nombreux professionnels de l’embouteillage.

Alors si de nouveaux bouchons leur assure stabilité et régularité, quel est le meilleur moyen de conserver nos chères (à notre cœur et à notre portefeuille) bouteilles? Ce serait évidemment de ne pas les boire…… Assurons leur une pénombre propice à leur repos, visitons les régulièrement, leur parler est inutile, en attendant de se réconforter régulièrement entre amis avec l’une d’entre elles.

Slainte,
Gérard TRENTESAUX